Dix propositions pour stimuler la prévention des litiges et le règlement amiable des différends

Dix propositions pour stimuler la prévention des litiges et le règlement amiable des différends

A quel stade en est la médiation ? Au troisième selon ses militants les plus enflammés mais encore au deuxième selon les autres. Ce n’est pas si mal ! Même s’il a fallu vingt ans pour oublier le premier stade, les nouvelles ...

« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant été une évidence » (A.Schopenhauer)A quel stade en est la médiation ? Au troisième selon ses militants les plus enflammés mais encore au deuxième selon les autres. Ce n’est pas si mal ! Même s’il a fallu vingt ans pour oublier le premier stade, les nouvelles dispositions du code judiciaire en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges y sont pour beaucoup : de plus en plus de magistrats renvoient les parties transiger en dehors du prétoire, plus d’un castagneur en robe s’enorgueillit de ses soudaines qualités de négociateur « raisonné », l’élite des international law firms opine du chef à l’évocation de l’apport d’un neutral dans la résolution amiable des litiges… C’est un mouvement de fond. Cela tient d’une petite révolution. Et c’est tant mieux. Mais toute révolution porte en elle les germes d’une possible trahison des aspirations qui l’ont portée et expose au risque de laisser sur le bord du chemin ceux au profit de qui une Bastille fut prise, des têtes ont roulé, un régime en a remplacé un autre. Platement dit, c’est le risque de récupération. Le possible flop. Ainsi, il se pourrait que la nouvelle loi du 18 juin 2018, non seulement n’aide pas à prévenir les litiges (d’accord, ce n’était pas son objectif premier), mais aussi ne serve en définitive qu’à désengorger une Justice qui serait par ailleurs laissée exsangue (oubliées les belles promesses électorales de refinancement), sujette à une privatisation aussi rampante que sournoise et dont tant l’accès pour le justiciable que l’indépendance constitutionnelle seraient sous plus grande pression. Les M.A.R.C. - tout modes alternatifs de résolution des conflits qu’ils soient - n’en seraient pas pour autant appropriés, ne contribueraient pas suffisamment à la déjudiciarisation des différends pour lesquels ils sont pourtant souvent LA solution et concourrait au renforcement d’une Justice à deux vitesses, sinon même à deux visages. La bonne nouvelle est que cette loi a posé des fondations solides sur lesquelles peut encore s’édifier une politique résolument innovante de prévention des litiges et de règlement amiable des différends. A condition que les décideurs et les acteurs de terrains y œuvrent de concert en compagnons-bâtisseurs. Voici à leur attention dix propositions - sous forme d’esquisses, de questions, pas de plans détaillés - pour architecturer cet édifice. Elles sont listées en fin de texte. Le poids des mots, le choc des logos : différendaire et PRAD Tout praticien admet que l’accès au droit et à la justice est, notamment, question de vocabulaire, de sens qu’ont les mots pour le justiciable. Commençons par lui, le justiciable. Pourquoi en néerlandais le définit-on judicieusement rechtzoekende, (littéralement chercheur de droit) s’interrogeait la présidente du Conseil Supérieur de la Justice, Madame Clavie ? Allons plus loin : pourquoi ne pas créer le mot différendaire pour désigner toute personne, physique ou morale, qui constate qu’elle a un différend de quelque nature que ce soit et avec qui que ce soit avant donc qu’il ne soit déjà question de litige en justice ? On parle bien de proprié-taire et de loca-taire s’agissant de propriété et de location. Il conviendrait de décrire le justiciable par le mot qui fait le plus de sens eu égard à sa situation : différendaire (au premier stade, le différend) ou justiciable (quand l’expression fait littéralement sens parce que la Justice doit ou devrait intervenir). D’accord, c’est affaire de sémantique mais le propos est précisément de cesser de biaiser le sens : tout différend ne devrait plus faire du citoyen ou de l’entreprise, inévitablement, un justiciable. Le droit à la Justice ne se confond pas avec l’obligation de s’en remettre à Elle. Nous avons adoré les M.A.R.C. mais ça, c’était au début, quand il était question d’alternative au « tout au juge ». Aujourd’hui, affirmons et labellisons un nouvel objectif qui transcende les M.A.R.C., la Prévention des litiges et la Résolution Amiable des Différends, en abrégé, la PRAD. Comment mieux défendre les droits de chaque citoyen dans une société qui devient surjuridicisée en raison de normes de droit de plus en plus nombreuses et complexes ? Comment réduire le coût et la lenteur des règlements de conflits tout en maintenant un accès pour tous à la Justice ? Nos règlements traditionnels de conflits sont-ils encore en adéquation avec nos sociétés modernes ? Quel parti tirer des nouvelles technologies ? Comment s’assurer d’envoyer tout différend vers la méthode de règlement qui convient le mieux au cas d’espèce ? Comment réinventer le rôle de chaque catégorie d’acteur vers un mieux, un plus gratifiant ? Une PRAD accomplie doit apporter des réponses pertinentes à ces questions. Prévenir avant de guérir, soigner avant d’opérer Dans le privé, prévenir les litiges est affaire de vision, d’organisation et de culture. Quel regard porte chaque entreprise sur la valeur que représente sa relation avec ses meilleurs clients et ses principaux fournisseurs ? Qu’écrire en conséquence dans les contrats commerciaux pour qu’à la première étincelle on s’assoie et discute sur base des intérêts bien compris des parties plutôt que sur des positions de principe ? Une entreprise s’affaiblit-elle ou renforce-t-elle, au contraire, son image si elle publie sur son site Internet sa politique de gestion anticipée et amiable des différends ? Est-il raisonnable de s’associer pour fonder ou racheter une entreprise, d’acquérir une part de copropriété, de planifier sa succession sans mettre en place des mécanismes qui préviennent et réduisent le risque de conflit ? Dans la Cité, prévenir les litiges relève de la politique. Le droit belge renforcerait le « vivre ensemble », le bon fonctionnement des affaires, voire la position concurrentielle de la Belgique si dans tout contrat - même oral - (sauf clause contraire, mesures conservatoires et respect dû à l’ordre public) une clause d’engagement à tenter d’abord un règlement amiable des conflits était réputée convenue entre parties. Notre code judiciaire pourrait suivre l’exemple du nouveau code (2016) de procédure civile du Quebec dont les 7 premiers articles sont dédiés à la prévention et au règlement amiable des différends1. La question avait fait débat en préparation à notre nouvelle loi : fallait-il faire de la tentative de résolution amiable une condition de recevabilité en justice ? Fallait-il en faire une obligation continue et imposer une coopération active entre parties jusqu’au délibéré ? Le Législateur s’est montré retenu dans son audace et il a peut-être eu raison de donner du temps aux acteurs de justice pour s’adapter au nouveau paradigme. Mais pourquoi ne pas amender ce texte pour, cette fois, promouvoir la prévention des litiges et lever toute suspicion de motivations principalement budgétaires de cette loi ? En fait, déployer avec conviction une politique cohérente de PRAD et effacer l’impression d’œuvre inachevée. La nouvelle majorité qui se dégagera bientôt des urnes pourrait s’y employer. Elle pourrait aussi s’aligner sur certains pays qui sont plus directifs ou même plus généreux en subventions pour promouvoir une résolution extrajudiciaire des conflits. Des efforts peuvent certainement être accomplis en Belgique dans cette direction. Notamment en dissuadant le « tout au juge » ou « le baston plutôt que la discussion » qu’induit la façon de prendre en charge le financement de certains conflits par des polices d’assurance « protection juridique », des syndicats, voire même l’assistance judiciaire. Bref, agir pour combler notre retard et ne plus être le deuxième pays, sur 47 étudiés par le Conseil de l’Europe, classé sur base du nombre de litiges portés en justice par habitant : dépassons l’incantation et recommandons effectivement la solution la plus appropriée à chaque conflit. Un meilleur tri, dépourvu de tout dogmatisme idéologique, entre litiges soumis à « adjudication » ou à « négociation » contribuerait à redonner confiance au justiciable en une Justice dont le crédit est injustement atteint. A chacun son métier. Et médiateur, c’est un métier Entre des avocats qui, le plus souvent plaident et conseillent leurs clients mais aussi disent le droit et tranchent des litiges (parce qu’ils sont par ailleurs juges suppléants ou arbitres), des magistrats qui, en plus de juger, concilient les parties, des experts qui de facto se substituent au juge ou au médiateur, des notaires qui se définissent souvent comme médiateurs par essence, des huissiers qui font du recouvrement amiable en plus de l’exécution de jugements, il devient difficile pour le différendaire et le justiciable de s’y retrouver dans l’organisation de la justice et la façon de résoudre les différends. Les intentions louables de cette polyvalence ne sont pas questionnées et tout ceci ne serait pas bien grave si une certaine consanguinité – notamment dans l’arbitrage – ne créait l’apparence ou, pire, la réalité de conflits d’intérêts. Et puis, à qui ce mélange des rôles apporte-t-il quelque chose ? Et qu’apporte-t-il vraiment ? L’idée n’est certainement pas de verser dans un système d’incompatibilités strictes ou une organisation en silos de la justice mais de réfléchir posément aux mesures à prendre pour une ségrégation plus claire entre les fonctions adjudicatives (trancher le litige) et facilitatrices (aider à dégager un accord amiable). Veiller en fait à une meilleure circulation du ballon entre tous les joueurs sur le terrain de la justice et faire en sorte que le différendaire ait une meilleure compréhension de chaque métier (sa mission, ses méthodes, sa déontologie, son coût). Déjà en 1996 Harvard inventait le concept de « multi-door courthouse », un centre de résolution des différends où le citoyen se verrait offrir toute une palette de modes de règlement. En quelque sorte assortir la polyvalence des solutions avec la spécialisation des acteurs et mieux faire jouer ceux-ci en équipe. Le médiateur agréé est consacré par la nouvelle loi comme un acteur essentiel de ce kaléidoscope mais il faut encore parcourir le dernier mile pour en faire un métier à part entière. Des années après la création de Louvain-la-Neuve certains se demandaient si une ville sans cimetière est vraiment une ville. Un métier encadré par le code judiciaire mais qui ne prête pas serment, qui se fait représenter dans les rouages de l’État et face à l’opinion publique par d’autres professions (avocats, notaires, huissiers et « tiers ») et qui – même en médiation extra-judiciaire – dépend à 99% des acteurs de justice pour acquérir et servir des clients, estil vraiment un métier à part entière ? Pourquoi cette question ? Pour le différendaire pardi ! Tant qu’il dépendra d’un avocat ou d’une juge pour partir en médiation, celle-ci restera excessivement judiciarisée et ne sera qu’un itinéraire de délestage tardif sur l’autoroute encombrée de la Justice qu’il n’emprunte, d’ailleurs, qu’à contrecœur en qualité de justiciable. Il est donc nécessaire d’émanciper le marché de la médiation des autres marchés du droit car – et oui, l’expression ne plait pas à tous – il s’agit bien de marchés car c’est ainsi qu’on nomme le lieu (virtuel) où se rencontrent l’offre et la demande d’un même objet ou service. Il faut donc émanciper et développer le marché de la médiation. L’organisation du marché A l’invention de la télévision, d’aucuns avaient prédit la mort du cinéma. Depuis, elle a détrôné le cinéma mais la télévision en est devenue un des principaux partenaires et le septième art s’en porte bien. Il devrait en être de même entre la Justice et la PRAD. Le code judicaire distingue la médiation judicaire (qui se passe hors prétoire mais est initiée dans le cadre d’une instance judiciaire) de l’extra-judiciaire (qui est librement mise en œuvre par les parties sans intervention du juge). A part cette bienveillante intervention du juge pour encourager les parties à discuter à l’ombre du Palais, ces deux types de médiation sont identiques. Ainsi et contrairement aux apparences elles sont toutes deux volontaires de bout en bout puisque, tant le médiateur que chacune des parties peuvent y mettre fin à tout moment sans même s’en expliquer. Cette caractéristique combinée à la confidentialité et « l’homologabilité » de l’accord obtenu sous l’égide d’un médiateur agréé expliquent le succès croissant de la formule souvent vécue par ceux qui l’expérimentent comme plus rapide, moins douloureuse (même en cas de victoire) et au total moins coûteuse qu’un long procès. Mais pourquoi diable ne se conclut-il en Belgique qu’un peu plus de 5.000 accords de médiation par an alors que des centaines de milliers de nouvelles affaires sont portées devant les tribunaux chaque année ? Manquerait-on de médiateurs ? A l’évidence non : il y en a 2.000 et ça ne leur fait jamais que 3 médiations par an en moyenne (ce qui ne manque pas de frustrer les centaines de personnes qui se sont investies avec conviction pour se faire agréer). Il y a au moins trois raisons à cela. D’abord, l’accès à la médiation est encore très dépendant des acteurs de justice (avocats, juges, huissiers, experts judicaires, …). L’image peut faire sourire mais c’est comme s’il n’était possible de regarder la télévision qu’à l’entrée des salles de cinéma ou si celles-ci avaient le monopole de la vente de téléviseurs. Il est en effet encore rare que le différendaire frappe à la porte d’un médiateur sans y être accompagné ou encouragé par un acteur de justice. C’est donc le plus souvent au stade de justiciable qu’il entre en médiation. Comme la quasi-totalité des médiateurs ne le sont qu’à temps très partiel et pour la moitié d’entre eux en complément à une fonction d’avocat, le canal d’acquisition d’une clientèle de médiateur reste fondamentalement judiciaire. Dans le jargon du business, on parle d’un modèle B2B2C (Business to Business to Customer) : c’est grâce à un autre professionnel (B2B) que le professionnel de la médiation acquiert un client individuel (B2C). Il convient donc de déjudiciariser partiellement l’accès au médiateur, d’encourager l’entrée en relation directe entre différendaire et médiateur, quitte à ce que celui-ci encourage les parties qui lui font appel à s’entourer de conseils en médiation en fonction de la nature du différend ou des compétences des médiés. Il s’agit donc de créer une tierce voie, l’accès direct au médiateur, qui viendrait renforcer les pistes actuelles, non pas en concurrence avec celles-ci mais, au contraire, en interaction ou à tout le moins en bonne intelligence avec elles. Ensuite, le marché de la médiation n’existe pas à proprement parler. L’offre de médiation ne manque pas mais - à de rares exceptions près – n’est ni organisée comme une place de marché, ni assumée par des professionnels qui en font leur principal métier. Imagine-t-on un village sans marché hebdomadaire et où seuls les initiés sauraient que le poisson se vend en arrière-boutique du boucher et que les produits d’entretien se trouvent – quand il a songé à en stocker - chez le cordonnier ? Au-delà de cette caricature, la création de cabinets entièrement dédiés à la résolution amiable des différends avec pignon sur rue et le lancement de plateformes qui permettent aux différendaires de rencontrer leur médiateur, devraient contribuer à la mise en place de ce marché. La plateforme conflicool.com est la première du genre en Belgique. Elle est née d’une comparaison : en matière de santé, les patients consultent d’abord leur médecin de famille avant d’aller éventuellement se faire opérer. Le marché de la PRAD deviendra également virtuel lorsque des plateformes de résolution en ligne des différends se créeront en Belgique comme il en existe déjà dans plusieurs pays d’Amérique du nord et d’Europe. Cette tendance est inéluctable : de plus en plus de métiers de service sont disruptés par les nouvelles technologies et connaissent, en conséquence, la désintermédiation (peer to peer). Déjudiciariser la médiation c’est aussi la désintermédier. Et vice versa. Avant le Web, cela aurait été difficile à grande échelle. Enfin, si l’offre existe en abondance et si la place de marché s’organise tout doucement, la demande, elle, s’ignore encore et toujours. Si, bien évidemment, « un avocat c’est quelqu’un qu’il faut voir avant pour éviter les ennuis après » (avocats.be), dans beaucoup de cas, le différendaire devrait se rendre - seul ou avec son avocat - chez un médiateur dès que les ennuis se profilent. Certainement pour cette multitude de petits conflits du quotidien qu’on se résigne à ne pas traiter, faute de foi dans une solution judicaire satisfaisante à coût acceptable comme la récupération de petites créances, des affaires de roulage, des tracas de voisinage ou de copropriété, etc. Et puisque nous plaidons pour une politique ambitieuse de PRAD à mettre en place par la prochaine majorité, on ne s’étonnera pas que nous plaidions aussi pour un budget afin d’en assurer la promotion. Une enveloppe de 3 millions d’euro ne représenterait que 0,3 euro par habitant ou +/- 0,3 % du budget annuel de la Justice. D’autres coups de pouce pourraient être donnés : Comme au Quebec, offrir aux citoyens 1 à 6 heures de médiation financées par l’État en matière familiale ou sociale; Étendre à tout type de médiation (pas uniquement familiale) le taux 0% de TVA ; Revoir la nomenclature de l’aide juridique de deuxième ligne pour davantage stimuler la résolution amiable des différends ; Soumettre la déductibilité fiscale de l’assurance protection juridique à l’atteinte de quotas de résolution amiable ; Etc. La régulation, la supervision de la médiation et la représentation des médiateurs agréés L’actuelle Commission fédérale de médiation devrait voir ses compétences étendues à toute questions relatives à la PRAD. Pourquoi dès lors ne pas la rebaptiser « Commission fédérale pour la prévention des litiges et la résolution amiable des différends » ? Les compétences de cette nouvelle Commission fédérale PRAD pourrait englober la régulation (édition de règlements) et la supervision (contrôle et discipline), non seulement des centres de formation et des médiateurs eux-mêmes comme c’est déjà le cas, mais aussi des instituts et cabinets de médiation, d’arbitrage et de tous modes de résolution des conflits ainsi que des plateformes Internet qui ne vont pas manquer de se développer dans ces métiers. En revanche, il n’entrerait plus dans les compétences de cette Commission (qui ne reçoit du reste aucun budget à cet effet) de faire la promotion ni d’assurer la représentation des médiateurs agréés. Ceux-ci sont en revanche encouragés à se constituer en association les regroupant tous, au-delà des diverses associations, cabinets et instituts déjà existants. Par analogie donc avec les notaires, la magistrature ou même le secteur financier, une double structure fait sens : régulation, supervision et discipline ne se confondent pas avec la défense des intérêts de ces professions dans une logique syndicale ou sectorielle. La comparaison avec le monde financier où Banque Nationale et FSMA rencontrent constamment l’association sectorielle FEBELFIN est décidément intéressante : une toute nouvelle loi va bientôt soumettre de nombreux banquiers à la prestation de serment. L’idée est donc non seulement de ne pas recopier le modèle des barreaux qui rassemblent compétences ordinales et syndicales pour les avocats mais aussi d’organiser une représentation autonome de la profession de médiateur agréé. Une telle association pourrait s’appeler médiateurs.be par analogie avec avocats.be. Tout médiateur agréé pourrait en devenir membre et - afin de ne pas positionner cette asbl comme une rivale d’associations existantes et donc pour ne pas les concurrencer - la double affiliation à l’une et aux autres serait encouragée par une réduction de cotisations (au demeurant aussi basses que possible pour maximiser le profil rassembleur de cette association communautaire ou nationale). Cette asbl opérerait donc comme chambre syndicale et véhicule promotionnel du métier de médiateur tout en offrant des services à ses membres et en développant des relations avec toutes professions de justice et d’aide aux personnes et entreprises que la médiation peut concerner. Référence est faite ici à la fédération nationale des notaires, FedNot. D’aucuns souhaiteront aussi fédérer de manière encore plus large tous les acteurs de la PRAD, et pas seulement les médiateurs agréés. L’idée est excellente et ne contredit pas l’autre. Il s’agira alors de trouver un équilibre entre une saine émulation autour de la PRAD sans sombrer dans le brouhaha et les guerres de chapelles, travers dans lesquels la vie associative a tendance à sombrer. Il est donc envisageable de créer aussi une fédération d’associations. La knowledge management et le retour d’expérience Ne se gère que ce qui se mesure. On peut se réjouir de la toute récente décision de publier à partir de septembre 2020 tous les arrêts et jugements belges (anonymisés) dans une banque de données accessible à tout un chacun. La justice y gagnera en transparence et le justiciable en prédictibilité. Il n’existe que très peu de données sur les modes alternatifs de résolution des conflits, particulièrement en matière de médiation. Relevons néanmoins les efforts déployés par les instituts d’arbitrage pour la publication de sentences arbitrales (également anonymisées). A l’instigation de la Commission PRAD (rebaptisée donc « Commission fédérale pour la prévention des litiges et la résolution amiable des différends »), une collecte systématique d’informations pourrait être organisée dans le respect de la stricte confidentialité. Les informations à collecter porteraient sur la durée de la médiation, les enjeux, la qualité des parties, la nature et le domaine du litige, les principaux points d’accord et de désaccord obtenus, les honoraires et frais, etc. Rien ne fait obstacle à ce que des discussions soient également menées ad randum sur des cas concrets afin d’enrichir également ce retour d’expérience avec des données dites qualitatives. Il va de soi que la neutralité de la Commission PRAD en sa qualité de régulateur et superviseur lui interdit d’exploiter ces données de sorte que la distribution des parts de marché en serait affectée. Le traitement de ces informations et leur restitution au monde judiciaire et aux acteurs de la PRAD contribueraient beaucoup à l’objectif poursuivi. Sans même évoquer la nécessité de tels outils pour inscrire la Belgique sur la carte internationale de la prévention et du règlement amiable des différends. La formation Dès que possible, l’enseignement devrait prévoir une formation de niveau suffisant pour permettre à tout adolescent de prendre utilement position dans toute situation tendue à laquelle il est ou pourrait être exposé en qualité de différendaire : du conflit en milieu scolaire aux problèmes de futurs adultes en passant par les incivilités et autres difficultés de la vie en communauté, il ne suffit pas de sensibiliser mais de former réellement notre jeunesse. Au niveau des études supérieures (universitaires ou non), il n’est pas concevable que la formation à la PRAD ne devienne pas obligatoire dans tous les programmes susceptibles de former de futurs conseillers juridiques, sociaux, psychologiques ou de gestion d’entreprise mais aussi destinés à tout acteur du monde judicaire au sens large. Voici, en synthèse, les dix propositions pour stimuler la prévention et le règlement amiable des différends : Inscrire dans notre droit la notion de différendaire Transcender les MARC (modes alternatifs de résolution des conflits) avec la PRAD (Prévention des litiges et Résolution Amiable des Différends) Inclure dans le code judiciaire la notion de PRAD Étendre les compétences et donc l’appellation de la Commission fédérale de médiation à la PRAD Prévoir dans le droit belge une règle supplétive valant clause de résolution amiable des conflits dans toute convention (à l’exclusion de certaines matières) Mieux distinguer les fonctions « adjudicatives » et « facilitatrices » de la multi-door courthouse Reconnaître pleinement le métier de médiateur (prestation de serment, représentation ad hoc et accès direct au médiateur : la tierce voie) Financer un programme de sensibilisation à la PRAD tout en démocratisant l’accès à la Justice Développer un knowledge management de la médiation Agir dès le stade de la formation (cursus scolaire et supérieur)Yves Delacollette, Médiateur agréé